La planète a besoin de leadership féministe
Mes réflexions du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes
Le mois de mars est le mois de l’Histoire des femmes; le 8 mars était la Journée internationale des droits des femmes.
Dans le cadre de sa campagne Climat de Justice visant à mettre fin aux inégalités des émissions de carbone, l’organisation Oxfam-Québec m’a proposé, ainsi qu’à Laura Doyle-Péan, artiste membre du collectif queer & féministe Les Allumeuses, de réfléchir sur le lien entre climat et féminisme. Le texte que je vous partage aujourd’hui a donc été publié dans Urbania lundi (Ici : Le féminisme est l’avenir de la planète… et celui du Québec).
Face aux impacts sociaux, économiques et culturels des changements climatiques, on entend souvent que l’humanité est dans le même bateau. C’est une belle métaphore, mais je ne crois pas qu’elle tienne la route. Nous faisons plutôt face à la même tempête, car cette crise ne nous affecte pas tous également.
80% des personnes qui sont déjà forcées de se déplacer à cause des impacts des changements climatiques sont des femmes. Comme ce sont souvent elles qui fournissent à leur famille soins et nourriture, face à la diminution de la productivité des cultures agricoles, des sécheresses menant à des pénuries d’eau et l’augmentation du niveau de la mer, elles sont encore plus vulnérables.

En même temps, les femmes sont des leaders au sein de leurs familles, communautés, villes et communautés dans la lutte à la crise climatique. Malgré les iniquités auxquelles elles font face, malgré le fait qu’elles sont souvent absentes de la table des décisions (le Conseil de la fédération ressemble d’ailleurs plus à un boy’s club qu’à la société canadienne) le leadership climatique des femmes est une véritable force indubitable, qu’il est impossible d’ignorer.
D’ailleurs, il a été souvent démontré que les femmes sont de meilleures leaders en temps de crise – incluant pendant la crise de la COVID-19 – ce qui est fort à propos pour la plus grande crise à laquelle l’humanité n’a jamais été confrontée. La participation des femmes a aussi une influence considérable sur la diplomatie climatique, augmentant la capacité des États à s’entendre dans les négociations internationales. À l’échelle domestique, la représentation féminine dans leur législature conduit les pays à adopter des politiques climatiques plus strictes, ce qui mène à des émissions de carbone plus basses.
L’Accord de Paris, cette quasi-universelle et importante entente de coopération internationale face à la crise climatique, reconnaît cette contribution des femmes et le fardeau inéquitable qu’elles portent.
Les femmes que je côtoie tirent l’action climatique vers le haut. J’ai l’immense privilège de considérer plusieurs d’entre elles des mentors, des co-conspiratrices, des amies. Avec le temps, je me sens privilégiée d’en apprendre plus sur le leadership féministe au sein des mouvement sociaux. Le rôle des femmes dans l’avancement des idées et causes progressistes est souvent réduit au silence dans l’Histoire, qui a plutôt tendance à célébrer les égos individuels masculins. Le milieu environnemental au Québec a aussi historiquement été majoritairement masculin et blanc. C’est en train de changer, et il reste beaucoup de travail à faire; l’équité ne s’arrête pas à la parité entre hommes blancs et femmes blanches.
Le féminisme dont nous avons besoin pour faire face à la crise climatique est un féminisme intersectionnel. Dans les mots d’Angela Davis, « le féminisme insiste sur des méthodes de pensée et d’action qui nous forcent à penser à des choses ensemble qui apparaissent séparées ».
Lutter pour la justice climatique, c’est lutter contre le fait que les femmes autochtones, noires et racisées sont exposées de façon disproportionnée aux impacts négatifs de la pollution sur la santé. C’est aussi demander que la finance climatique internationale cible les femmes et les filles dans les pays du Sud, être solidaire avec les travailleuses essentielles immigrantes et à faible revenu dont le statut est précaire, et plaider pour que les métiers de soin soient rémunérés à leur juste valeur. C’est refuser, en gros, de choisir de qui on va prendre soin…
Face à la transformation de nos sociétés qui s’impose, je remarque un repli sur soi qui se pose sur les valeurs traditionnelles de domination autour de laquelle notre société est structurée. On peut penser à la pétro-masculinité, ce dangereux mélange entre masculinité toxique et une défense de l’économie fossile – l’ancienne Ministre canadienne d’Environnement et changements climatiques Canada Catherine McKenna, en plus des actes haineux dont elle a été victime, s’est fait affubler du surnom « Climate Barbie » par ses détracteurs. Dans un tout autre registre, des tech bros milliardaires comme Elon Musk et Jeff Bezos investissent des milliards dans la colonisation de l’espace, plutôt que de cesser de détruire la seule planète connue qui supporte la vie. Sans oublier le sexisme ordinaire des infatigables mansplainers et des reply guys sur Twitter.

En contraste, que propose l’approche féminine et féministe aux changements climatiques, par laquelle toustes, peu importe leur genre, peuvent se définir?
Elle confronte le problème les yeux, le cœur et les bras grands ouverts, laisse l’égo de côté, et refuse de simplifier cette crise aux ramifications multiples à un examen qui nierait ses causes profondes. Comme le dit Cat Abreu, si on lutte contre la crise climatique, c’est par amour. Pour la planète, pour le vivant, pour l’incroyable beauté du monde, mais aussi pour les humains qui l’habitent. Pour nos familles et nos proches. Pour nos communautés et par compassion qui souffrent, peu importe leur distance et leur différence.
La crise climatique change tout. Il n’y a rien qui ne dépend pas d’une vie sur Terre florissante. La crise climatique n’est pas qu’une crise des systèmes naturels ; c’est une crise de santé publique, une crise économique, une crise sociale, une crise politique, une crise émotionnelle…
C’est pourquoi adresser cette crise en silos, en parlant de science et de moyens technologiques seulement, ne sera pas suffisant. Toute est dans toute.
En contraste avec l’individualisme et le pessimisme, une approche féministe puise sa force dans la solidarité. Pour tout changer, on a besoin de tout le monde.
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